CHAPITRE XXIV

À L’ORIGINE d’Alioculus était un système binaire : une étoile de trente masses solaires accouplée à une autre de sept masses solaires. Quand les réactions nucléaires s’étaient éteintes au cœur de l’étoile la plus massive, l’équilibre entre pression interne et force gravitationnelle s’était rompu. Plus rien n’avait enrayé la contraction du cœur et, lorsque son rayon était passé sous la valeur critique de Schwarzschild, il s’était mué en un trou noir à jamais enfoui en deçà de l’horizon des événements. En principe, aucune Porte de Vangk n’aurait dû se trouver à proximité : en arrachant de la matière à leur compagnon, les trous noirs des systèmes binaires projetaient un flux intense de rayons X tournant autour d’un axe constitué de deux jets de plasma qui s’élevaient à chaque pôle. Rien ne pouvait subsister alentour. Voilà ce qui aurait dû se passer pour Alioculus X2… si la seconde étoile ne s’était pas effondrée à son tour, vingt millions d’années plus tard ; la déchéance de cette dernière s’était arrêtée au stade de la naine blanche, un caillot de matière dégénérée n’émettant plus qu’un pâle rayonnement. Après son effondrement, les jets polaires du trou noir avaient tari et l’activité de particules superénergétiques s’était réduite à presque rien. À présent, Alioculus X2 était un trou noir dormant de cinq masses solaires. Il ne dévorait plus de matière, permettant à la configuration des Trois Portes d’exister.

Assis en tailleur sur son lit, Xavier arrêta sa lecture et demanda à l’ordinateur d’afficher sur le mur de sa chambre un cliché des environs du trou noir, pris des Trois Portes et réalisé en spectre normal. Il l’avait chargé à partir d’une banque d’images des téléthèques un an plus tôt, c’est-à-dire peu avant que la liaison ne soit coupée à cause de la vitesse du Vasimar. Après treize mois d’accélération, le vaisseau voguait à neuf centièmes de c. Il s’était retourné et avait commencé à décélérer. Le jet de plasma, dorénavant dirigé vers l’avant, servait de bouclier au vaisseau, de sorte qu’on avait pu larguer celui-ci, allégeant notablement la masse. Valrin avait soulevé le fait que, s’ils ne parvenaient à réactiver aucune des Trois Portes, ils seraient contraints de faire le voyage de retour par le même chemin. On lui avait rétorqué que cela avait été pris en compte : il y avait assez de métal sur place pour fabriquer un nouveau bouclier.

Il n’y avait eu à bord ni avarie ni accident, tout juste un incident qui avait nécessité le remplacement d’une pièce secondaire du générateur. On n’avait même pas eu à couper le flux de magnétoplasma.

La résolution de l’image était assez fine pour faire scintiller la myriade d’étoiles du ciel galactique. Le trou noir était bien entendu invisible, mais, reliquat du disque d’accrétion, un mince anneau luminescent entourait un minuscule point rougeâtre : la bulle photonique marquant l’horizon événementiel, là où les courbes géodésiques de l’espace-temps s’enfonçaient en tourbillonnant vers la singularité. Autour de l’ogre, la trame spatiale était si perturbée qu’elle induisait des échos visuels et étirait les étoiles d’arrière-plan en ovales lumineux. La naine blanche, qui orbitait autour de lui sur une période de deux jours, était sans doute l’un de ces ovales.

Xavier déplia ses jambes engourdies. Il n’aurait jamais cru pouvoir s’intéresser un jour aux trous noirs. Au début, il n’avait fait que se renseigner sur leur objectif, et tout de suite le sujet l’avait captivé. Ce trou noir n’avait rien d’exceptionnel, il y en avait des myriades comme lui à travers la galaxie. Cependant les Portes de Vangk ouvrant à moins d’une unité astronomique d’un trou noir étaient rarissimes, aussi Alioculus X2 avait-il suscité une littérature abondante – sans compter les spéculations quant à ses liens éventuels avec les Portes. Certains Pèlerins faisaient la relation entre le corps du Vangk et le trou noir à proximité : selon eux, les Vangk avaient utilisé la singularité pour disparaître de cet univers, et le champ de gravité extrême du trou noir rendait les Trois Portes spéciales, leur permettant d’ouvrir sur de nouvelles destinations. Avant l’attentat contre la Porte, ils y avaient envoyé des dizaines de sondes, sans aucun succès.

La porte coulissa, laissant entrer Jana. D’une main énergique, la jeune femme était en train d’ébouriffer ses cheveux mouillés : elle revenait de la piscine. Ces derniers temps, elle et Xavier se voyaient moins pendant la journée, mais il lui arrivait de passer une nuit complète avec lui.

Elle sourit en voyant le fond étoilé sur les murs.

« Ah, Alioculus… Finalement, tu t’y es mis.

— Je ne voulais pas mourir idiot », plaisanta-t-il. Soudain, il mit la main devant sa bouche. « Mais j’y pense, cela te rappelle peut-être de mauvais souvenirs. C’est là que la KAY t’a kidnappée. Si ça te gêne, je l’enlève tout de suite. »

Elle secoua la tête en riant.

« Pas du tout. Tu as vu les images réalisées à partir des mesures des détecteurs d’ondes gravitationnelles que le trou noir génère en vibrant ?

— Elles sont magnifiques, mais elles ressemblent trop à des modélisations informatiques.

— Tu as raison. Et ton image est superbe. Moins sinistre en tout cas que la décoration de la chambre de Valrin. »

Xavier ne put s’empêcher de grimacer. Une fois, il était entré chez Valrin et avait vu la mosaïque de portraits sur les écrans muraux. Certains étaient des clichés d’hologrammes d’identité qui tournaient sur eux-mêmes ; d’autres provenaient de documents internes arborant le logo de la KAY.

« Soixante-quatre en tout, avait annoncé Valrin.

— Ce sont… ce sont tes cibles ?

— Mes cibles prioritaires, oui. »

Xavier avait senti sa nuque se hérisser.

« Combien étaient réellement au courant de ce qui t’est arrivé ? avait-il demandé d’une voix rauque.

— Tous sont coupables », avait déclaré Valrin.

Il était allé jusqu’à un écran, avait caressé la joue d’une femme au visage doux.

« Celle-là… son prénom est Valeriane. Elle a quarante-sept ans et trois enfants en pension dans une école huppée sur une planète de la Ceinture. Elle communique tous les jours avec eux via les canaux des téléthèques. »

Ses lèvres s’étaient crispées.

« Elle les aime beaucoup. C’est sans doute pour eux qu’elle occupe ce poste à la KAY.

— Pourquoi me dis-tu tout cela ?

— Tu ne le devines pas ? »

Xavier avait secoué la tête, de plus en plus mal à l’aise.

« Je les connais tous par cœur, expliqua Valrin. Je sais ce qu’ils sont. Des personnes ordinaires. Pas des monstres. Cette Valeriane adore ses gosses… et c’est peut-être elle qui a signé mon arrêt de mort, sans même y prêter attention. Elle a peut-être ordonné qu’on me dépèce vif pour mériter le salaire qui a permis à ses adorables gosses d’aller une année de plus en pension. Quand j’ai ouvert son dossier, la question que je me suis posée n’a pas été si je devais ou non la laisser vivre. La question a été de savoir si je devais aussi tuer ses enfants ou non. »

Un long moment avait passé. Valrin avait ajouté d’une voix douce :

« Quand nous étions au chantier de Moire, j’ai interrogé un agent de la KAY. J’ai exhibé devant lui un médikit en lui décrivant ce qui l’attendait s’il ne parlait pas.

— Ce qui l’attendait…

— Je lui ai décrit ce que, moi, j’ai subi. »

Valrin avait contemplé Xavier qui serrait les poings sans même s’en rendre compte.

« Il a essayé de m’amadouer en me disant que j’étais pire que mes bourreaux. Eux n’étaient pas vraiment conscients du mal qu’ils commettaient par procuration, alors que moi… »

Tu ne l’as pas fait. Dis-moi que tu ne l’as pas fait, s’était répété Xavier.

« Je n’ai pas eu besoin de le torturer, avait continué Valrin. L’agent a répondu à toutes mes questions. Quand je l’ai regardé en face, il a su que mes menaces n’avaient pas été lancées en l’air. Il a vu en quoi je différais de mes bourreaux : eux s’accommodent de tuer à distance pour leurs intérêts. Ils croient conserver une certaine innocence parce qu’ils n’ont pas le résultat de leurs actes sous les yeux. Mais, moi, j’ai renoncé à toute illusion d’innocence. Cela me permet de regarder dans les yeux ceux que je tue. »

D’un clignement de paupières, Xavier revint au présent.

Le plafonnier venait de palpiter trois fois.

Il mit une bonne seconde à se remémorer qu’il s’agissait du code muet indiquant une intrusion en cours.

Jana s’apprêta à poser une question, mais il lui intima l’ordre de demeurer silencieuse en posant son index sur ses lèvres. Il se dirigea vers une armoire derrière la porte d’entrée, l’ouvrit et en extirpa deux combinaisons renforcées. Il en jeta une à sa compagne et entreprit de revêtir l’autre. Il ignorait s’il s’agissait ou non d’un exercice. Sans doute, songea-t-il : il ne voyait pas comment quelqu’un aurait pu s’introduire ici sans déclencher une multitude d’alarmes.

« Allons à la chambre de Valrin », dit-il à haute voix.

Il rabattit la cagoule transparente de la combinaison ; à sa ceinture pendait un baudrier d’où dépassait la crosse carrée d’un pistolet à induction. Il la saisit, plus pour faire cesser les picotements induits par l’adrénaline au bout de ses doigts que pour se rassurer. Un voyant vert s’alluma au-dessus de la culasse : l’arme l’avait reconnu. Il entrouvrit la porte de la chambre, jeta un coup d’œil dans le couloir. Personne…

« Est-ce bien utile ? » murmura Jana.

Il ignorait si elle faisait référence à l’arme ou à ses velléités d’action. Il leur suffisait d’attendre les renforts. Mais il voulait être sûr que Valrin était sauf. Il préféra ne pas répondre et fit signe à Jana que la voie était libre.

La chambre de Valrin était juste derrière celle de Jana. La porte était entrouverte.

« Valrin ? »

Abandonnant toute prudence, il se rua en avant.

La chambre était dévastée. Dans le mur du fond se découpait un trou circulaire de quarante centimètres de diamètre. Et au centre de la pièce…

D’abord il crut qu’il s’agissait d’un robot exterminateur. C’était humanoïde et ne mesurait guère plus d’un mètre cinquante. Des protubérances et des antennes saillaient de son armure intégrale grise et de son casque opaque – c’était donc un homme ! Il surplombait Valrin, un genou lui écrasant la poitrine. Du sang éclaboussait le sol tout autour. Renversé sur le dos, Valrin luttait pour empêcher son agresseur de lui enfoncer une aiguille dans le cou. L’aiguille laissait dégoutter du poison.

L’agresseur releva la tête juste au moment où Xavier tirait dans son casque. L’impact le fit tressauter. Xavier tira plus bas sans plus de succès – avant de se rappeler qu’il pouvait moduler l’inducteur de son arme afin d’accroître la pénétration. Pendant qu’il procédait, l’homme rétracta l’aiguille dans son poignet tout en dégainant une arme d’un holster d’épaule. Il visa Xavier… D’une violente poussée des jambes, Valrin le déséquilibra. Le tir passa largement au-dessus de sa cible, creusant un énorme trou dans le chambranle.

Xavier tira à nouveau. Cette fois, le casque s’étoila et l’homme recula sous le choc en laissant choir son arme. Se reprenant, il pivota et fonça vers le trou dans le mur du fond.

Dans le couloir retentirent les pas du groupe de sécurité. Xavier demanda à Jana d’aller au-devant d’eux, puis il s’accroupit au pied de Valrin.

« Tu es blessé ?

— Nylie… C’était Nylie, haleta Valrin.

— Nylie ?

— Elle m’a cassé les deux jambes. Ces imbéciles de la sécurité vont la flinguer. Je la veux avant… Toi, tu peux encore la rattraper ! »

Jana revenait, encadrée par deux hommes. Valrin donna un léger coup dans les mollets de Xavier, et celui-ci s’engouffra dans la brèche. Il se retrouva à progresser sur les coudes dans un étroit conduit, une gaine technique qui lui râpait les reins à chaque mouvement de reptation. Sa respiration s’amplifia jusqu’à emplir tout l’espace.

C’est idiot. Au premier embranchement, elle me sèmera. Et si je reste bloqué au fond d’un cul-de-sac…

Il se rappelait dans quelles circonstances il avait revu Nylie. Deux mois après le départ, il avait postulé pour travailler dans les serres hydroponiques du vaisseau. Ils étaient les hôtes des Pèlerins, mais cela ne signifiait pas qu’ils devaient se tourner les pouces… À la vérité, il en avait eu assez de tourner en rond dans leurs quartiers où personne ne venait. Il avait longuement hésité avant d’annoncer sa décision à Jana. Elle l’avait regardé, amusée.

« Pourquoi as-tu l’air embarrassé en me disant cela ?

— Eh bien… je ne voudrais pas te donner l’impression que je me désintéresse de toi. C’est tout le contraire. Et…

— Et tu as eu peur que je désire venir avec toi, n’est-ce pas ? Rassure-toi, je n’ai aucune envie que des Pèlerins s’agenouillent sur mon passage.

— Il y en a qui aimeraient, avait plaisanté Xavier afin de cacher son soulagement. D’ailleurs, les femmes m’offriront peut-être leurs faveurs. Après tout, je couche avec leur sainte préférée ! »

Elle avait embrassé son front dégarni.

« Je ne crains rien de ce côté-là, si tu as foi dans mon courroux au cas où je te découvrirais une liaison. »

Les serres occupaient cinq niveaux. Leur gestion était automatisée afin d’éliminer les erreurs humaines, mais les tâches de ramassage et d’entretien étaient laissées au personnel humain. Xavier avait trouvé un poste au service de contrôle de qualité. Il prélevait des cellules des souches maîtresses et vérifiait leur bonne tenue génétique. C’était une besogne bien en deçà de ses compétences, mais il y puisait un grand contentement. C’était là qu’il avait retrouvé Nylie, vêtue d’un uniforme de la sécurité. Il s’en était étonné : ne leur avait-elle pas dit qu’elle était biologiste ?

« Justement, avait-elle répondu. Quoi de mieux qu’une biologiste pour assurer la sécurité des serres ?

— Biologiste, spécialiste en sécurité, Pèlerin… Tu cumules beaucoup d’activités, Nylie. »

Elle avait eu un sourire contrit.

« La foi qui m’anime n’est pas une simple activité. Elle fait partie de moi comme tes jambes ou ton foie font partie de toi. Elle est aussi naturelle que le fait d’appartenir à l’humanité. »

Xavier n’avait pas relevé que beaucoup de posthumains estimaient ne plus appartenir à l’humanité et que sa foi n’avait peut-être rien d’universel.

« C’est tout de même une démarche spirituelle, avait-il souligné.

— J’étais sans doute prédestinée à devenir Pèlerin, avait-elle avoué. Je suis née dans une colonie profondément croyante. Deux de mes frères sont entrés dans les ordres quand j’étais adolescente. Ce n’étaient pas des Apôtres des Vangk, ils y étaient même hostiles. Ma famille m’a chassée au moment où je me suis officiellement convertie. Leur rejet m’a mortifiée, mais elle n’a pas affaibli ma foi, bien au contraire. Je l’ai vécu comme une épreuve à surmonter. J’ai suivi des études de biologie appliquée à la terraformation. Grâce à elles, j’ai pu monter en orbite, où j’ai rencontré d’autres Apôtres. Je me suis mariée avec l’un d’eux, mais nous avons rompu.

— Je suis désolé.

— Il n’y a pas de regret à avoir. Sa foi n’était pas aussi forte que la mienne. Lorsque le corps du Vangk a été trouvé, il a refusé de m’accompagner. »

Il l’avait invitée à dîner dans leur niveau. Peu après, Valrin et elle avaient eu une liaison. Mais cela n’avait pas duré.

Une lueur rougeâtre attira l’attention de Xavier. Il se hâta. Il n’espérait plus débusquer Nylie, seulement sortir de là.

La lueur provenait d’un couloir éclairé par une veilleuse. La galerie se poursuivait, mais, au niveau du couloir, la grille avait été retirée. Xavier entendit un bruit mat, comme un casque heurtant le sol. Il se fit aussi silencieux que possible.

Il déboucha dans le couloir. Nylie s’était entièrement dévêtue de son armure et de la combinaison anti-infrarouge qu’elle portait en dessous. Une fumée urticante montait du tas en grésillant : la jeune femme avait dû vaporiser dessus un puissant corrosif. Elle s’acharnait à présent contre une porte de sas qui restait obstinément close. Xavier s’extirpa de la gaine, se releva et pointa son pistolet à induction, l’index sur la détente.

« Pas un geste, Nylie. »

Elle se retourna comme si on l’avait piquée. Dès qu’elle le vit, ses épaules s’affaissèrent. Xavier n’abaissa pas pour autant son pistolet : cinq minutes plus tôt, elle avait tenté de le tuer et pouvait ne pas avoir renoncé à ce projet. L’instinct lui soufflait de lui tirer dans les jambes pour l’immobiliser. Mais c’était inutile : si la porte était fermée, c’est qu’on l’avait bloquée. Nylie était acculée. Et puis il savait qu’il ne tirerait pas sur elle à moins d’être directement menacé.

« Tu n’as aucune chance, dans quelques instants ils seront là, dit-il. Et le plus important, c’est qu’on sait qui tu es. Valrin t’a reconnue. Le vaisseau n’est plus qu’un piège pour toi. »

Contre toute attente, elle sourit.

« Oh, je ne m’enfuyais pas pour survivre, juste pour avoir le temps d’effacer quelques traces. Mais c’est inutile, au fond. L’opération est avortée. Ce pétochard de Pavelic n’osera rien faire contre votre protégée.

— C’est lui qui t’a fourni ton armure furtive ?

— Non. J’ai récupéré l’armure dans la pièce défectueuse qu’on a retirée il y a deux mois. Pavelic m’a trafiqué le système nerveux pour me permettre de passer certains de vos détecteurs… Il faut croire que ça n’a pas suffi.

— Pourquoi me livres-tu son nom ?

— Ce n’est qu’un mercenaire, un mécréant. À cause de la sale réputation de Valrin, son prix a été exorbitant. Il est juste qu’il trinque lui aussi.

— Et toi, combien la KAY t’a-t-elle payée ? »

Elle éclata de rire. La porte laissa passer des clameurs assourdies : ils avaient été localisés. Elle n’en avait plus que pour deux ou trois minutes.

« Tu n’y es pas du tout, lança-t-elle. Je n’ai pas agi pour l’argent. La KAY a rendu cela possible en m’en donnant les moyens matériels. Elle a même offert une prime pour la tête de Valrin Hass. Mais c’est la foi qui m’a poussée.

— La foi ? Tu t’es présentée comme faisant partie des Pèlerins alors que tu les trahis. Comment une renégate peut-elle invoquer la foi ?

— Je suis une Apôtre des Vangk ! Les Pèlerins ne voient dans les Vangk qu’un moyen d’accéder à une connaissance supérieure. On ne franchit pas les portes du paradis sans y avoir été invité, on ne regarde pas les dieux dans les yeux sans qu’ils vous l’ordonnent. Les Pèlerins offensent ceux qu’ils croient honorer. Ce sont eux les renégats.

— Et Jana est l’instrument qui doit permettre de percer le secret des Vangk, poursuivit Xavier à sa place. Bien entendu, ça n’a pas dû plaire aux tenants d’une réelle divinité des Vangk. Rendre une abstraction réelle est peut-être le pire des péchés… En conséquence, vous avez décidé de supprimer l’instrument. Mais n’êtes-vous pas aussi présomptueux que vos frères ennemis en vous instituant les serviteurs exclusifs de la volonté divine ? Après tout, vous pourriez considérer l’affection génétique de Jana comme un signe divin, une invite.

— Jana a souillé le corps du Vangk en le touchant. Elle en supportera à jamais l’infamie. »

Toute l’exécration que Jana et lui inspiraient à la jeune fanatique transparaissait dans son regard, et une onde glacée traversa les os de Xavier. La brève liaison qu’elle avait eue avec Valrin au début du voyage prenait son véritable sens : le seul moyen pour elle de tester le système de sécurité du niveau confiné. Xavier s’aperçut qu’il ne pouvait en vouloir à Nylie. Il avait sous les yeux le revers du statut particulier de Jana. Pour les Pèlerins, elle était presque une sainte. Pour la faction la plus radicalement opposée, à laquelle appartenait Nylie, elle ne pouvait être qu’un démon… La KAY n’avait pas dû avoir à la pousser beaucoup. Mais la multimondiale avait probablement abattu là sa dernière carte.

Le bruit de libération de la clenche électromagnétique fit sursauter Nylie. Elle recula vers le mur.

« Reste où tu es », la somma Xavier.

Elle sourit à nouveau.

« Je pourrais te tuer avant qu’ils n’arrivent, mais je n’en ferai rien. Je te laisse à ton destin de damné. Quant à moi, je rejoins le peuple des Vangk. »

Elle déglutit tandis qu’un groupe armé surgissait par la porte.

« Restez en arrière, Xavier Ekhoud ! » lança l’un des gardes de sécurité.

Nylie glissa le long du mur. Ses yeux ne cillaient plus. L’homme brandit un long bâton dans sa direction, lui effleura le torse. Une secousse… Elle demeura sans réaction, un sourire vide plaqué sur le visage. Le garde soupira puis se tourna vers Xavier.

« Vous avez eu le temps de discuter avec elle ? » demanda-t-il abruptement.

Xavier secoua la tête d’un air absent.

« Je n’ai pas eu le temps. Non, désolé. »

La mécanique du talion
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